Je vous parle d'un temps...

Les maîtresses d'école

 

    Hermine Faucher, première maîtresse à

          l'école de rang no.7 en 1903.

En 1903, la commission scolaire de Saint-Christophe d’Arthabaska a fait signer un contrat (d’un an) à Mlle Hermine Faucher pour qu’elle enseigne à l’école # 7. Elle a fait deux ans, puis a quitté. Longtemps, nous avons pensé que c’était parce qu’elle s’était mariée. Ce qu’elle n’a jamais fait. Elle est plutôt allée travailler dans un commerce de Victoriaville. Un autre document indique qu’elle est devenue propriétaire d’un terrain sur la grand’ rue. Aurait-elle pu le faire si elle était restée maîtresse d’école? Poser la question, c’est y répondre.

 

À l’époque, le mariage rendait les femmes inéligibles à l’enseignement; contrairement à ce que l’on pense généralement, cette situation n’était cependant pas propre à la seule catholique Province de Québec; pour plusieurs sociétés, la place de la femme mariée, c’est la maison (cuisine) pour prendre soin de son mari et de ses enfants.

 

En 1903, Mlle Faucher était payée 95 $ par année. Dans les écoles de rang, les salaires étaient bas et l’écart entre les salaires des maîtresses et celui des maîtres était très significatif; c’est vrai que les hommes étaient considérés comme « soutiens de famille », et pas les femmes. Les bas salaires dans les écoles de rang ont fait en sorte que les hommes n’y enseignaient pas. Les membres des communautés religieuses non plus, mais la raison est autre : ils doivent vivre en communauté. Dans le Rapport du Surintendant de l’Instruction publique de la Province de Québec pour 1915-1916 (publié dans la revue L’enseignement primaire de février 1917) on y note que le traitement moyen pour les instituteurs des écoles catholiques est de 787 $ et pour les institutrices de 190 $ (un écart considérable de presque 600 $ ou de 75 %). Chez les protestants, les hommes gagnent en moyenne 1329 $ par année et les filles, 423 $ ! L’éducation y est sans doute plus valorisée que chez les francophones, et la société plus riche aussi.

 

L'enseignement primaire, novembre 1904, page 177.

 

Au milieu des années 1930 – et malgré la grave crise économique qui sévit – le salaire de la maîtresse de l’école # 7 passe de 130 $ en 1934 à 300 $ en 1935. Laure Gaudreault vient de syndiquer les maîtresses d’écoles de rang. 300 $, c’est beaucoup d’argent à débourser pour les petites commissions scolaires. Il est rapporté par des historiens que certaines maîtresses se faisaient accompagnées à la banque par des commissaires d’école qui exigeaient qu’on leur remette une partie de l’augmentation que la loi les obligeait à verser. Que faire devant une telle injustice : « Papa » aurait sans doute suggéré à sa fille d’endurer la chose si elle voulait travailler l’année suivante…

 

Mlle Gertrude, elle, avait du caractère : en 1951, elle a demandé une augmentation qu’on lui a refusée; elle était attachée à sa petite école, mais elle est restée chez elle… pour quelques mois seulement car elle s’est trouvée une place à la ville où elle a fait une belle carrière !

 

C’est ainsi que cela se passait, autrefois à la campagne et à la ville.