Je vous parle d'un temps...

La fréquentation scolaire

 

Au Québec, fréquenter l’école n’a pas toujours été une obligation. Certains s’y sont longtemps opposés…

 

Dans une lettre servant de préface datée du 20 janvier 1919, l’archevêque de Québec, Mgr Louis-Nazaire Cardinal Bégin – qui fut en poste de 1898 à 1925 – adresse ces mots à un des plus hauts fonctionnaires du D.I.P. (Département de l’Instruction publique) :

 

« Rien, à mon sens, ne justifierait l’État d’imposer aux parents, de qui relève tout d’abord l’éducation des enfants, cette obligation scolaire en faveur de laquelle se fait actuellement toute une campagne et qui, dans plusieurs pays, s’associe par un lien étroit, à la neutralité religieuse. »

 

Mgr Bégin accorde son soutien à Charles-Joseph Magnan, Inspecteur général des écoles catholiques de la Province de Québec, qui, tout en se disant un ardent défenseur du progrès scolaire, s’oppose à ce que la loi oblige les parents à envoyer assidument leurs enfants à l’école. Tous les acteurs sociaux ne partagent pas son avis et certains l’ont attaqué dans les journaux : Magnan leur répond dans une longue lettre. Notons que si c’est un haut fonctionnaire qui parle au nom du D.I.P. c’est qu’il n’y a pas de Ministre de l’Éducation… Magnan parle de « l’inopportunité de l’instruction obligatoire ».

 

À propos d'instruction obligatoire, de Charles-Joseph Magnan,

en 1919.

L’argument principal de Magnan, c’est que le système scolaire est en constante évolution pour le meilleur et c’est ce qu’il s’active à démontrer dans cette lettre d’une trentaine de pages, lettre augmentée d’une dizaine d’appendices dans lesquels, par exemple, il compare le système scolaire du Québec à ceux de pays d’Amérique latine. Selon Magnan, c’est déjà bien qu’environ 85 % des enfants du Québec fréquentent l’école, avec un taux d’assiduité de 76 %. Il conteste les chiffres de ses adversaires, mais écrit : « Serait-il juste de ne pas tenir compte qu’un grand nombre d’enfants de 5, 6, 7 ans sont mieux à la maison, surtout dans la rude saison, qu’à l’école, et que plusieurs autres de 14 à 16 ans sont suffisamment avancés pour être dispensés de la classe? »

 

             Le recensement scolaire, DIP en 1943

Au fil des ans, plusieurs politiciens et notables vont proposer la fréquentation scolaire obligatoire, mais en vain : l’église qui avait la mainmise sur le système d’éducation s’y opposait. Devant les faits (principalement, l’analphabétisme criant), le Comité catholique du D.I.P. va finir par donner son accord. En 1943, le gouvernement libéral d’Adélard Godbout – avec le soutien des suffragettes et des chambres de commerce, mais malgré une certaine opposition du clergé – adopte la loi sur la fréquentation scolaire obligatoire pour tous les enfants de 6 à 14 ans (la loi maintient tout de même une série d’exceptions : distance à parcourir pour se rendre à l’école, travaux des champs, maladie, etc.). Le Québec était la dernière province du Canada à en faire une obligation aux parents. Les commissions scolaires doivent engager un « contrôleur d’absences » pour assurer le respect de la nouvelle loi. La loi abolit aussi les frais de scolarité au cours primaire. En 1961, l’âge de la fréquentation obligatoire est haussé à 15 ans, et en 1988, à 16 ans.

 

N’est-ce pas le grand Maurice Richard qui a dit qu’il échangerait volontiers un peu de sa gloire pour plus d’instruction…

 

C’est ainsi que cela se passait à l’époque des écoles de rang.

 

Une école de la région de Richmond