Je vous parle d’un temps…

Les livres de récompense

 

 

Lors de la visite des écoles de son district d’inspection en avril 1932, l’inspecteur d’écoles Albert Morissette remettait à l’élève Antoinette Houle de Victoriaville le livre de récompense Les Fleurs de la poésie canadienne par l’abbé A. Nantel. Mlle Houle recevait son prix pour « application ». Quelques décennies plus tôt, soit le 2 avril 1883, Willy Langlois de Sainte-Luce avait reçu Histoire populaire du Canada ou Entretiens de Madame Genest à ses petits enfants (1877) d’Hubert Larue; son prix de géographie lui a été remis par l’inspecteur D. Bégin.

 

        Une affichette réglementaire:

On sait ces choses parce que l’on retrouve, au début de ces « livres de récompense » une affichette réglementaire qui atteste de la remise du livre par tel inspecteur pour tel comportement ou performance scolaire digne de mention. Parfois, la dédicace est manuscrite. Le Code scolaire, même celui de 1896, faisait de ces remises une obligation pour l’inspecteur. À certaines conditions, bien évidemment. C’est le Département de l’Instruction publique (D.I.P.) qui, à partir des années 1850,  fournissait les livres à l’inspecteur. Les auteurs, on le comprend facilement, se bousculaient aux portes !

 

Au début, le D.I.P. achetait des livres d’auteurs français, mais des « chialeux » ont élevé la voix et le D.I.P. s’est mis à distribuer des œuvres de Patrice Lacombe, Laure Conan, Joseph Marmette, Arthur Buies, Philippe Aubert de Gaspé, Édouard-Zotique Massicotte et autres Henri-Raymond Casgrain, ce qui a permis à des écrivains d’ici de (mieux) vivre de leur plume. Entre 1856 et 1931, c’est un million et demi d’ouvrages canadiens-français qui furent ainsi distribués, selon le libraire Jean Gagnon (Cahiers de bibliologie, 1980), un des rares chercheurs à s’être penché sur le sujet. Un million et demi de livres : avouons que ce n’est pas rien! Parfois les œuvres étaient un peu arides pour de jeunes esprits, mais les inspecteurs ont souvent relaté, dans leurs rapports, le bienfait de la mesure. Certaines commissions scolaires remettaient aussi, de leur propre initiative, des livres aux élèves méritants.

 

            Un  livre de récompense :

Les inspecteurs d’écoles remettaient ces prix (surtout) en fin d’année scolaire : prix d’histoire sainte et de catéchisme certes, mais aussi prix d’assiduité, d’application en plus de ceux de géographie, histoire, arithmétique, et autres matières scolaires. Dans une société où le livre était rare, quelle fierté de voir ses efforts ainsi récompensés ! Les enfants lisaient leur livre à leurs parents et on s’échangeait les livres entre familles.

 

C’est ainsi que cela se passait autrefois, autant à la ville qu’à la campagne.