L’épidémie de variole de 1885 à Montréal

C’est un passager à bord d’un train en provenance de Chicago qui est à l’origine de l’épidémie de variole qui a fait des milliers de morts à Montréal entre avril et décembre 1885. Ce premier patient s’en est remis!

 

Les conditions d’hygiène publique étaient déplorables; entre septembre et novembre – donc un certain nombre de mois après le début de l’épidémie – les éboueurs ont retiré des rues de Montréal les carcasses de 105 chevaux, 25 vaches et 302 autres petits animaux!

 

 Il n’y avait pas d’unanimité chez les membres des diverses commissions  de santé publique : certains souhaitaient des mesures coercitives, d’autres prônaient des approches plus douces.

 

Avant de devenir gratuits, les vaccins coutaient 1 $ chacun et il fallait allonger un autre dollar pour avoir un certificat de vaccination qui était exigé, par exemple, pour entrer en Ontario ou aux États-Unis; pour une famille canadienne-française de 5 enfants ou 10 enfants, c’était hors de prix. 

 

Les personnes atteintes étaient souvent cachées par leurs proches, on arrachait – dès que les autorités les avaient posés –  les placards qui annonçaient la présence d’une maladie contagieuse dans tel ou tel logement. Les autorités avaient ajouté des hôpitaux pour répondre aux nouveaux et pressants besoins mais les gens craignaient d’y aller : les mères ne voulaient pas abandonner leurs enfants, les gens ne faisaient pas confiance aux autorités. Et il y avait celles et ceux qui se moquaient de la maladie, de celle-là comme de plusieurs autres.

 

Certains portèrent plainte contre le comportement de certains médecins qui poussaient leur recherche de traces de variole un peu loin, surtout lors de l’examen des femmes… Le Docteur Laberge, médecin-chef de la santé publique, découvrit qu’un imposteur avait usurpé son nom et son titre : l’usurpateur fut rapidement identifié car il lui manquait deux doigts à une main…

L’armée fut appelée en renfort par le maire Honoré Beaugrand afin d’épauler la police de Montréal (moins de 300 hommes) et la police du bureau d’hygiène publique : on voulait protéger les médecins et les pharmaciens à qui on s’en prenait parce qu’ils vaccinaient les malades ainsi que les bien-portant. La police procéda à quelques arrestations. Le 31 décembre on procéda même à la mise en quarantaine du village de Ste-Cunégonde pour contenir la maladie.

 

Le commerce était au ralenti : ailleurs, on se méfiait de tout ce qui venait de Montréal et du Québec, même du courrier! À Montréal, on s’inquiétait de ne plus pouvoir exporter. Les industries ont pris des mesures d’urgence afin de sécuriser leurs clients : attestation que tous les employés étaient vaccinés, fumigation des lieux de production, etc.

 

Les rassemblements publics étaient déconseillés : sorties au théâtre, courses au marché, rassemblements politiques (Riel fut pendu en novembre 1885), messes, processions, rencontres sportives, etc.

 

 

Le clergé, en grande partie ultramontain, attribuait la présence de la variole à la vengeance de Dieu qui réprouvait le comportement des catholiques. Un catholique bien en vue a écrit que les glissades en toboggan étaient des lieux de rencontre pour hommes et femmes dépravés. Heureusement cependant, le clergé ne s’est jamais formellement opposé à la vaccination de masse. Mais on croyait davantage aux vertus d’une belle procession suivie d’une grande messe qu’aux progrès de la science. On invoquait le secours de St-Roch, patron des pestiférés.

 

Les charlatans ont vu dans l’épidémie l’occasion de faire des sous en proposant des crèmes qui éliminaient les marques de la variole, des sirops préventifs, des aromatiques pour chasser (masquer?) les odeurs pestilentielles et autres remèdes-miracle. J.B. Richer incluait dans ses remèdes la Labatt India Pale Ale et le Docteur Coderre, Le Sirop des enfants du Dr Coderre. Le Dr Coderre a fait campagne pendant toute l’année contre le recours au vaccin.